Qu’est-ce que le harcèlement ?


Selon l’étude “Mon Expérience du Sexisme” (réalisée par Jump en 2017), 98 % des femmes vivant en Belgique et en France déclarent avoir été harcelées au moins une fois dans leur vie.




Le harcèlement de rue n’est pas un concept que l’on peut définir facilement. Même si certains éléments semblent évidents, chacun.e en a sa propre conception et ses propres seuils de tolérance. Ceux-ci peuvent évoluer dans le temps, en fonction de notre humeur, de notre interlocuteur… Il existe bien sûr de nombreuses définitions disponibles sur des sites-ressources mais au fil de nos recherches nous avons décidé de vous proposer la nôtre :


Le harcèlement de rue, c'est le fait d’être interpellé.e verbalement ou physiquement par une personne. Cette interpellation peut être vécue comme violente car répétée et non-désirée. Elle va de la remarque déplacée à l’agression sexuelle violente.


C’est une atteinte à la dignité de la personne, une entrée de force dans sa sphère intime. C’est aussi un événement que l’on vit, en tant que femme, de façon récurrente (dans le temps et l’espace), même si l’agresseur peut être différent. Le harcèlement de rue peut paraître anodin pour certain.e.s. Pourtant, les répercussions peuvent avoir plus d’impact sur les victimes qu’on pourrait le croire : sentiment de culpabilité, d’auto-dévalorisation, crainte pour sa sécurité individuelle,… La douleur n’est pas forcément physique, mais elle peut générer une appréhension de l’autre.





Quelle est votre définition du harcèlement ?
Nous sommes allées à votre rencontre pour le découvrir...

Tout d'abord, démontons quelques idées reçues sur le harcèlement…

“Les harceleurs ne sont que des détraqués …”



Malgré une idée largement répandue, il n’existe pas de harceleur-type. Selon une étude publiée par Vie Féminine, le sexisme dans l'espace public, c'est “partout, tout le temps et sous toutes les formes”. N’importe qui peut être ou devenir un harceleur.

“Les femmes harcelées l’ont bien cherché…”



Croire que les femmes sont responsables dans les cas de harcèlement, parce qu’elles sont habillées de façon provocante, qu’elles ont bu ou qu’elles le souhaitent s’appelle le victim blaming. Minimiser les actes de violence envers les femmes rentre dans une logique de culture du viol. Mais le victim blaming, c’est quoi ? Pour plus d’informations, cliquez ici.

“Ca veut dire que je n’ai pas le droit de draguer une fille qui me plaît dans la rue ?”



L’analyse des Femmes Prévoyantes Socialistes nous éclaire.
Draguer et harceler, ce n’est pas du tout la même chose. Lorsqu’on drague quelqu’un il y a séduction. Il s’agit d’un échange agréable, d’égal à égal, mais surtout réciproque ! Harceler, c’est continuer lorsque la personne a décliné l’invitation. C’est susciter chez elle un sentiment de gêne, de frustration et de peur. C’est exercer une domination sur la victime.

Renforcer la lutte contre le harcèlement ne veut pas dire qu’on s’oppose à la rencontre et à l’échange dans l’espace public.

“Le harcèlement de rue, c’est un geste sans conséquences.”



Le harcèlement peut avoir des conséquences psychologiques sur les victimes mais peut également susciter des “comportements d’évitement”. Dans un espace urbain où les femmes se sentent en danger, elles adaptent leurs comportements afin de passer inaperçues et d’éviter le harcèlement. Changer d’itinéraire ou sa façon de s’habiller sont des stratégies courantes. Elles témoignent du sentiment d’insécurité des femmes dans l’espace public.


comprendre

Pourquoi les gens n’interviennent-ils pas ?


Il est intéressant de voir que dans 74% des cas d’agressions dans la rue, les témoins ne réagissent pas. Comment expliquer ce phénomène ? Nous avons émis plusieurs hypothèses personnelles en nous basant sur de nombreuses recherches.
(vous pouvez les retrouver sur notre mémoire.)




A. Une inégalité homme/femme dans l’espace public toujours d’actualité


C’est un fait, l’espace public reste un lieu d’inégalités pour les femmes : rues mal éclairées la nuit, absence de toilettes gratuites pour les femmes, tables à langer inexistantes,... L’espace public est souvent construit par les hommes, pour les hommes. Ainsi, l’enjeu qui se cache derrière le harcèlement est un rapport de pouvoir. En jouant sur le sentiment d’insécurité des femmes, les hommes s’assurent que l’espace public reste leur domaine.


B. La dilution de la responsabilité ou effet témoin


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, plus on est nombreux face à une situation d’urgence, moins il y a de chances qu’on agisse. Et ce, pour plusieurs raisons :

  • La dilution de la responsabilité :
    Pourquoi devrais-je intervenir alors que personne d’autre ne le fait ?

  • L’influence sociale :
    Si personne ne réagit, j’ai dû certainement mal interpréter la situation.

  • L’inhibition causée par l’audience :
    Je n’ai pas envie de me ridiculiser alors que tous les gens me regardent.

L’effet témoin peut être un élément particulièrement paralysant lorsque l’on souhaite intervenir. Il est important de l’avoir à l’esprit car si une personne intervient, d’autres vont avoir tendance à la suivre.


C. Une culture du viol qui influence les comportements


La culture du viol est un concept encore assez méconnu qui consiste à établir des liens entre les violences sexuelles et la culture dominante (le patriarcat) au sein de notre société. En Belgique, les comportements et pratiques de nombreux individus tendent encore, à tolérer, excuser, voire à accepter tout simplement le viol et les violences sexuelles.

Selon l’enquête “Stop Déni” (réalisée en 2016), de nombreux Français considèrent qu’il existe des motifs permettant d’atténuer la responsabilité des agresseurs et de blâmer celles qui en sont victimes. Par exemple, 41% des français.es estiment que si l’on se défend vraiment autant que l’on peut, on fait dans la plupart du temps fuir le violeur ; 27% pensent que la responsabilité du violeur est atténuée si la victime porte une tenue sexy (jupe courte ou décolleté) ; ou encore, 15% considèrent que la victime est en partie responsable de son viol si elle a accepté de se rendre chez un inconnu, etc. La liste de ces chiffres est encore longue. La culpabilisation de la victime est ancrée profondément dans notre culture, que nous en soyons conscient.e.s ou non.





Ecoutons le témoignage d’Olivier Klein, chercheur au Centre de Recherche en Psychologie Sociale et Interculturelle à l’ULB.

Nos super-conseils pour devenir de super-témoins !


Le témoin joue un rôle essentiel…

Il peut intervenir pendant l’agression en l’empêchant. Il peut aider la victime à porter plainte en lui offrant son soutien et en apportant son témoignage.




L’association Hollaback (mouvement international qui agit contre le harcèlement de rue) propose sa stratégie des 5 D pour mieux intervenir dans les cas de harcèlement. Nous y ajouterons les suggestions d’autres experts et inclurons notamment les conseils proposés par les auteurs de la BD “Les Crocodiles”.


A. Directement confronter

Si notre sécurité et celle de la victime sont assurées, il est important d’agir directement en se confrontant au harceleur. Il n’est pas forcément nécessaire d’user de violence physique à l’encontre de l’agresseur. On peut tout simplement s’interposer verbalement en utilisant de préférence des phrases courtes comme “C’est du harcèlement”, “C’est sexiste”, “C’est agressif, irrespectueux”, “Laissez-la tranquille”… Inutile d’entrer dans de longs débats qui pourraient aggraver la situation !

Comme le rappelle la BD “Les Crocodiles”, parfois, il suffit juste d’être là. Si l’on voit que la situation dégénère mais qu’on n’ose pas intervenir directement, on peut signaler l’agression à la police, prévenir le contrôleur/conducteur du bus, train, prévenir un serveur dans le bar, un vigile à l’entrée du magasin…


B. Distraire

On peut aussi distraire l’agresseur afin de rompre l’agression. Distraire, c’est par exemple faire semblant de connaître la victime, discuter avec elle. On peut aussi lui poser une question, renverser son café, ses feuilles “accidentellement”, etc.


C. Déléguer

Il n’est pas facile d’intervenir lorsqu’on est seul.e. En sollicitant le soutien d’autres témoins, on est plus fort. De plus, faire prendre conscience à l’autre qu’il faut intervenir, c’est l’inciter à agir par lui-même.


D. Delay : réagir a posteriori

Hollaback suggère également de venir en aide après l’agression. Mais la BD “Les Crocodiles” nuance. Venir en aide ne veut pas dire culpabiliser, chercher à tout prix des remerciements ou flirter. La victime est peut-être fatiguée, énervée ou triste. Lui venir en aide c’est avant tout apporter un soutien moral.


E. Documenter

En Belgique, il est possible de porter plainte contre l’harceleur. Le témoin présent sur les lieux peut alors fournir des preuves en plus de son témoignage : photos, vidéos. Vous pourrez apporter également des détails précieux au témoignage de la victime : numéro de tram/bus/train, heure de l’agression, plaque d’immatriculation, nom de la rue,… Attention toutefois à ne pas utiliser les preuves afin de desservir la victime (en diffusant des images de l’agression sur internet par exemple). Le mieux, est de demander à la victime ce qu’elle souhaite faire de ses preuves et l’épauler si elle désire porter plainte.





Quels sont vos trucs et astuces ?

Nous vous avons rencontrés dans les rues de la Capitale afin que vous puissiez faire entendre vos voix.
Noémie Kayaert, chargée de mission au sein du Monde Selon Les Femmes nous répond et réagit à vos astuces.